vendredi 30 septembre 2011

Gilles Duceppe à la rescousse du Parti québécois

Plus je regarde le Parti québécois s'enliser dans les sondages et s'entre-déchirer à l'interne, plus je me dis qu'il est urgent que Gilles Duceppe sorte de sa retraite et vienne à la rescousse de ses compatriotes souverainistes.

Je ne suis pas de ceux qui croient aux sauveurs en politique. Un parti et une cause ne pourront jamais être portés par un seul homme. Mais la situation actuelle est urgente et réclame une solution draconienne. S'il veut déloger le Parti libéral du Québec du pouvoir aux prochaines élections, le Parti québécois doit donner un sérieux coup de barre à sa stratégie, car elle ne fonctionne manifestement pas jusqu'ici.

L'image de Pauline Marois

Parmi les problèmes du PQ, il y a celui de l'image de Pauline Marois. La sauce ne prend tout simplement pas avec les Québécois. Elle est perçue comme snob et inauthentique. Vous vous rappelez cette histoire de manoir à l'Île-Bizard où l'on avait allégué que les terres agricoles environnantes avaient été acquises par le couple Marois-Blanchet à la suite de trafic d'influence? Ce somptueux manoir a été mis en vente depuis et Mme. Marois a dorénavant sa résidence principale dans la région de Charlevoix. Mais ce pseudo scandale a laissé des traces.

Par ailleurs, Mme. Marois n'a pas toujours l'argumentaire le plus limpide lorsque vient le temps de parler de la souveraineté. Le concept de "gouvernance souverainiste" qu'elle chérit en laisse plusieurs circonspects.

Enfin, le départ d'une pléthore de députés du parti (Lapointe, Curzi, Bouchard, Beaudoin, Aussant) a consolidé l'image d'une femme qui manque de leadership et qui ne peut contenir et rassembler ses propres troupes. Comment pourrait-elle alors diriger convenablement le Québec?

Ce problème de perception est dommage, car j'aimerais bien voir Pauline Marois devenir première ministre du Québec. Elle a une longue expérience politique derrière elle et a occupé une dizaine de ministères, dont la Famille, l'Éducation, les Finances et la Santé. Une de ses plus grandes réalisations est certainement la création des garderies à cinq dollars. J'aimerais aussi voir une femme prendre la tête de l'État québécois.

Mais à moyen terme, je vois mal comment Mme. Marois pourra accéder à cette fonction.

L'entrée en scène de Duceppe

Selon un récent sondage CROP- La Presse, avec Gilles Duceppe à la tête du Parti québécois, le PQ récolte 45% des intentions de vote! C'est amplement suffisant pour remporter une élection.

Contrairement à ce que l'on croit, je ne pense pas que l'image de M. Duceppe ait été à ce point affectée par la défaite cuisante du Bloc québécois aux dernières élections fédérales. Les Québécois ont plutôt été attiré par un homme charismatique - Jack Layton - et cherchaient désespérément à chasser les Conservateurs du pouvoir. Ils ont fait le calcul que la meilleure façon d'y parvenir était de voter pour le NPD. En clair, les électeurs n'avaient pas de rancoeur particulière envers M. Duceppe.

En observant cet éventuel saut sur la scène politique provinciale, je crois que les électeurs québécois chercheraient même à se faire pardonner la dure épreuve qu'ils ont fait subir à un homme qui défendait depuis près de 20 ans les intérêts du Québec à Ottawa. On souhaiterait ainsi lui donner une seconde chance. On serait aussi curieux de voir ce "changement" s'opérer sous nos yeux. Comment M. Duceppe se débrouillerait-il dans un débat des chefs télévisé face à Jean Charest? Ce renouveau contribuerait sans aucun doute à ramener des électeurs vers le Parti québécois.

Et qui de mieux qu'un Gilles Duceppe à la tête du P.Q. pour court-circuiter le fameux effet "Legault"? Tout à coup, l'événement nouveau en politique ne serait plus la formation d'un parti - la Coalition pour l'avenir du Québec - mais l'arrivée d'une figure politique importante et respectée sur la scène provinciale.

Pour le moment, M. Duceppe ne semble pas intéressé à venir prêter main-forte au Parti québécois. Cela est fort dommage. Il ferait un excellent premier ministre et il pourrait éventuellement être en excellente posture pour réaliser son rêve: organiser un référendum sur la souveraineté du Québec...et le remporter!

mardi 27 septembre 2011

Le geste désespéré de Mahmoud Abbas

L'idée est excellente. Le timing est parfait. Mais le geste n'en reste pas moins désespéré. Le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas a déposé vendredi dernier une demande d'adhésion de la Palestine en tant qu'État membre de l'ONU. On se rappelle que l'État d'Israël a été admis comme État membre à l'ONU dès 1949, mais pour la Palestine, c'est une toute autre histoire. Après une série de guerres et de négociations ayant mené à une impasse, M. Abbas en a eu assez et a jugé qu'une demande d'adhésion à l'ONU, sans accord de paix préalable avec Israël, était devenue la seule voie d'avenir possible pour les Palestiniens. Un geste intéressant et compréhensible, mais aux conséquences plus qu'incertaines.

Pourquoi une demande à l'ONU maintenant?

D'abord pour des raisons de politique intérieure. Mahmoud Abbas a été élu à la tête de l'Autorité palestinienne en 2005, mais son mandat est venu à échéance en janvier 2009. Si des élections n'ont pas eu lieu à cette date, c'est qu'un conflit perdure entre le parti de M. Abbas (le Fatah) et celui d'Ismaïl Haniyeh (le Hamas). En 2006, le Hamas avait remporté les élections législatives en Palestine, ce qui provoqua une guerre interne violente au sein de l'Autorité palestinienne, car le Hamas n'est pas reconnu comme un partenaire fiable par la communauté internationale. Depuis, le Hamas est resté en contrôle de la Bande de Gaza, alors que le Fatah contrôle la Cisjordanie.

M. Abbas a plusieurs fois annoncé que de nouvelles élections allaient avoir lieu prochainement. C'est ici que la demande d'adhésion à l'ONU prend son sens. Souhaitant se positionner en vue de ces élections, M. Abbas souhaite poser un geste d'éclats dont il a bien besoin. Souvent perçu comme un président terne et faible face à Israël, une demande unilatérale à l'ONU le place dans une position offensive favorable à son image. Le Hamas se plaît d'ailleurs à faire passer M. Abbas pour un traître et va même jusqu'à critiquer sa démarche unilatérale auprès de l'ONU, à mot couvert toutefois, car l'initiative est populaire auprès du peuple. Quoi de mieux qu'une demande d'adhésion à l'ONU pour devenir tout à coup un patriote honorable et couper l'herbe sous le pied au Hamas?

Vient ensuite le contexte international. En 2009, le président américain Barack Obama avait prononcé un discours en Égypte, dans lequel il en appelait à la réconciliation entre le monde arabo-musulman et les États-Unis. Beaucoup y avait vu une ouverture face à la cause palestinienne. Avec raison, car Barack Obama a aussi plusieurs fois répété qu'il était favorable à la naissance d'un État palestinien. M. Abbas souhaite clairement confronter M. Obama à ses paroles.

Mais la politique intérieure aurait tôt fait de rattraper M.Obama. Ce dernier a affirmé que les États-Unis allaient apposer leur veto au Conseil de Sécurité et ainsi empêcher la naissance de l'État palestinien. M. Obama souhaite qu'un accord de paix soit d'abord conclu entre Israël et la Palestine. Lorsque l'on sait à quel point le lobby juif joue un rôle important lors d'une élection présidentielle aux États-Unis - celle-ci étant prévue en novembre 2012 - on comprend la logique électorale de M.Obama. Quant à M.Abbas, il savait certainement que les États-Unis allaient s'opposer à sa démarche, mais l'idée est d'isoler encore davantage les Américains sur la scène internationale et raviver leur image d'empêcheurs de tourner en rond.

Au niveau régional, il est clair que M. Abbas souhaite profiter du momentum initié par le "Printemps arabe". La chute de plusieurs dictatures dans le monde arabe (Tunisie, Égypte, Libye...) et la poussée des mouvements démocratiques dans la région incitent M. Abbas à passer à l'action. Il a lui même affirmé que c'était maintenant l'heure du printemps palestinien, c'est-à-dire l'heure de l'indépendance.

Est-il aussi nécessaire de rappeler qu'Israël a perdu un allié précieux dans la région, avec le départ de M. Moubarak en Égypte? Depuis, les relations entre Israël et l'Égypte sont immensément tendues, l'État hébreux ayant dernièrement rapatrié son personnel diplomatique suite à une attaque de son ambassade au Caire par des manifestants. Ces derniers protestaient contre la mort de cinq policiers égyptiens, morts dans une opération militaire israélienne à la frontière entre les deux pays.

Que dire enfin des relations entre Israël et la Turquie, qui sont elles-aussi très froides? La Turquie a dernièrement expulsé l'ambassadeur d'Israël, car les autorités israéliennes refusent de s'excuser pour les attaques menées sur la flottille humanitaire qui tentait de percer le blocus de Gaza, en mai 2010. Neuf turcs avaient trouvé la mort dans cette attaque.

La stratégie de M.Abbas est clair: isoler encore davantage Israël.

Des conséquences incertaines

La stratégie de M.Abbas est intelligente. Elle est aussi moralement juste. Depuis la guerre des six jours en 1967, l'occupation et la colonisation des territoires palestiniens par l'armée israélienne se sont poursuivies à un rythme infernal, malgré la résolution 242 de l'ONU qui réclame explicitement le retrait des troupes israéliennes. Si la colonisation se poursuit à cette vitesse, l'idée même d'un État palestinien deviendra absurde, celui-ci mourant d'asphyxie avant même sa naissance. Le temps presse donc pour M.Abbas et les Palestiniens.

Un des risques de cette démarche, c'est que devant le refus des États-Unis et du Conseil de sécurité de l'ONU d'accepter la Palestine en tant qu'État membre, la rue arabe s'enflamme. Pire encore, une guerre entre la Turquie et Israël n'est pas à exclure.

Pour éviter ces scénarios pessimistes, j'espère sincèrement que l'on saura trouver une voie mitoyenne. La plus réaliste - à court terme - c'est que la Palestine obtienne le statut d'État non-membre de l'ONU. Pour y accéder, il n'est pas obligatoire de passer par le Conseil de sécurité: seul un vote de l'Assemblée générale est exigé et la Palestine pourrait gagner ce pari. Avec ce statut, la Palestine pourrait participer à quelques instances de l'ONU, mais ne pourrait pas avoir de vote à l'Assemblée générale ou siéger au Conseil de sécurité.

À moyen terme, il faudrait bien évidemment en venir à un accord de paix négocié de bonne foi entre Israël et la Palestine. Tôt ou tard, deux États devront vivre côte-à-côte. Nous n'en sommes pas là pour le moment.

dimanche 25 septembre 2011

Montréal vibre pour les coureurs.


La 21e édition du marathon de Montréal se tenait aujourd'hui dans les rues de la métropole. Au total, ce sont environ 24 000 personnes - un record - qui prenaient le départ pour différentes distances, dont votre humble blogueur qui participait à l'épreuve du 10km. Le Kenyan Luka Kipkemoi Chelimo a remporté le marathon pour la classe élite (42km), avec un temps de 2 heures 13 minutes et 44 secondes.

Un des grands succès du marathon de Montréal, c'est qu'il s'agit d'un événement qui s'adresse à un large public. Les plus petits peuvent ainsi s'initier à la course à pied sur un circuit de 1km. Des circuits de 5km, 10km, 21km et 42 km sont aussi proposés. On voit donc des gens de tous les groupes d'âges et même quelques coureurs qui vont jusqu'à pousser un ami ou membre de la famille en chaise roulante! En effet, il n'est pas rare de voir des participants courir pour une bonne cause, ce qui contribue au charme à l'événement.

Le seul incident malheureux de cette belle journée, c'est qu'un homme d'une trentaine d'années a perdu la vie suite à un malaise cardiaque. L'humidité particulièrement étouffante lors du parcours est un des facteurs en cause. Mais ce qu'il faut surtout retenir, c'est que la course à pieds est devenu un sport immensément populaire, au Québec comme ailleurs.

Un sport en effervescence

Avec 24 000 participants, le nombre d'inscriptions au marathon de Montréal a augmenté de 15% en un an. En 2003, seulement 2400 personnes s'étaient inscrites! Aux États-Unis, 507 000 personnes avaient couru un marathon l'an dernier, alors qu'ils étaient seulement 25 000 en 1976.

Les facteurs à l'origine de cette augmentation sont nombreux. Certainement que le passage d'une société industrielle à une société de l'information y est pour quelque chose. Comme nous travaillons de plus en plus devant notre ordinateur, à traiter et à diffuser des connaissances, ce type d'activité sédentaire nous pousse à vouloir bouger davantage lors de nos moments de loisirs. Par ailleurs, nous sommes de plus en plus informés sur les bénéfices d'un mode de vie actif et d'une alimentation saine. Je me demande aussi dans quelle mesure une société axée de plus en plus sur la performance et le résultat incite-t-elle les gens à se dépasser sur des routes asphaltées? Cherchons-nous à vivre dans une société parfaite telle qu'imaginée par l'écrivain britannique Aldous Huxley, dans Le meilleur des mondes? Je ne sais trop.

Un blogueur-coureur fébrile!

Ce que je sais toutefois, c'est qu'aux côtés de nombreux Montréalais aujourd'hui, j'aurai vécu une expérience enrichissante et stimulante. Peut-être serez-vous du groupe l'an prochain?

vendredi 23 septembre 2011

Arcade Fire: un cadeau pour Montréal et Haïti.

Vous y étiez fort probablement, car ce sont environ 75 000 personnes qui se sont massées comme des sardines hier soir sur la Place des Festivals, pour voir le groupe montréalais Arcade Fire en spectacle gratuit. Si vous n'y étiez pas, vous avez malheureusement manqué une performance musicale mémorable.

D'abord la première partie du spectacle était assurée par Karkwa, qui a su réchauffer la foule de manière exemplaire, avec des pièces comme Le Pyromane, Le Compteur ou encore L'Acouphène. Style musical plus introspectif qu'Arcade Fire, Karkwa nous a fait examiner les profondeurs de notre âme, pour lentement nous préparer à l'explosion qui allait survenir.

Car explosion il y a bel et bien eue. Arcade Fire a débuté la soirée avec la chanson Ready to Start, tirée de son plus récent album The Suburbs. Les jeux d'éclairages étaient magnifiques. Les images projetées sur écran géant intrigantes, stimulantes et virevoltantes. Quant au son, il était digne des plus grands spectacles rock. Décidément, on y avait mis toute la gomme. En fait, c'est un million de dollars que les organisateurs - Pop Montréal - ont dû débourser pour financer l'événement.

La plupart des tubes du groupe ont été joués: Neighborhood #1 (Tunnels), Neighborhood # 3 (Power Out), The Suburbs, Keep The Car Running, Rococo, Empty Rooms.... Arcade Fire en a aussi profité pour se porter à la défense d'une cause qui lui tient à coeur, soit la construction d'hôpitaux en Haïti. Le groupe a donc joué la chanson Haïti et il en a aussi profité pour faire monter sur scène un médecin et anthropologue américain du nom de Paul Farmer. Méconnu, celui-ci lutte depuis vingt-cinq contre les maladies infectieuses en Haïti et il y gère plusieurs hôpitaux. Un de ses livres intitulé "Mountains beyond Mountains" vient d'être traduit en français et Régine Chassagne (elle-même d'origine haïtienne) en a profité pour en faire la promotion.

C'est tout à l'honneur d'Arcade Fire d'avoir ramené à notre esprit la situation dramatique qui prévaut encore en Haïti. On a tendance à l'oublier, mais le pays n'a toujours pas de gouvernement officiel et ce, plusieurs mois après l'élection du président Michel Martelly. Depuis le séisme de 2010, 600 000 personnes vivent encore sous des tentes et la capitale de Port-au-Prince croule toujours sous des décombres et des ordures. Bref, il reste un travail colossal à accomplir.

La seule déception de la soirée, c'est que ma chanson préférée, Oldflames, n'a pas été interprétée, mais je pardonne cent fois au groupe. Hier, Arcade Fire a fait à des milliers de Montréalais - et d'Haïtiens - un cadeau inoubliable.

mercredi 21 septembre 2011

Jean Charest: ça suffit!

Samedi le 24 septembre 2011, je participerai à une manifestation devant les bureaux du premier ministre Jean Charest à Montréal. J'y exprimerai mon indignation devant ce qui est maintenant une évidence: le monde de la construction est infiltré jusqu'à la moelle par le crime organisé. Le ministère des Transports est tout sauf indépendant et il est ni plus ni moins à la merci d'influences indues. On connaissait depuis un moment cette réalité, surtout depuis la série de reportages menées par deux journalistes de Radio-Canada: Marie-Maude Denis et Alain Gravel. Mais le récent rapport déposé par Jacques Duscheneau et l'Unité anticollusion (UAC) vient de confirmer nos pires appréhensions. On ne peut rester indifférent devant une telle situation.

Je serai de ceux qui réclameront la démission pure et simple de Jean Charest, car je crois qu'il a perdu toute légitimité aux yeux de la population. Non seulement il refuse de tenir une commission d'enquête publique sur l'industrie de la construction - ce que la plupart réclame - mais sa réaction initiale au rapport Duscheneau est scandaleuse. Il a affirmé ne pas avoir lu le rapport et considéré que les conclusions de l'UAC ne sont que des allégations! Comment affirmer d'une part que le rapport est un tissu d'allégations, lorsque d'autre part on soutient ne pas l'avoir lu? Pire, comment peut-on sérieusement affirmer ne pas avoir lu ce rapport, alors que c'est Jean Charest lui-même qui mis sur pied l'UAC? Pour un chef de gouvernement, cette réaction improvisée, voire méprisante, est carrément inacceptable.

Je ne vous demande pas d'aller vous aussi réclamer la démission de Jean Charest, mais je crois qu'il est impératif de manifester ensemble pour exiger plus de transparence dans nos institutions publiques. Dites-vous bien que les dépassements de coûts dans les projets du ministère des Transports ont atteint 83 millions de dollars, seulement entre mai 2010 et juin 2011! Sur plusieurs années, ce sont des milliards de dollars qui se perdent en raison des gonflements de facture suspects.

Rafraîchissons notre mémoire

Pour vous convaincre qu'il est temps pour M.Charest de partir - du moins aux prochaines élections - je tiens à vous rappeler certains événements qui ont fait du gouvernement Charest un des pires que le Québec ait connu depuis longtemps (Duplessis?). N'hésitez-pas à me faire des commentaires pour ajouter des exemples à cette liste incomplète.

- 1. Les PPP: Jean Charest et le Parti libéral du Québec ont pris le pouvoir en 2003 en promettant un immense effort de "réingénérie de l'État". Cela impliquait un recours plus important aux PPP (partenariats public-privé) pour la mise sur pied de grands projets d'infrastructures. Une des conséquences néfastes de cette réorientation, c'est que les appels d'offres pour l'obtention de contrats sont maintenant rédigés par des firmes privées. Dans le domaine des transports, ce sont donc des firmes privées d'ingénieries qui rédigent les appels d'offres pour le gouvernement. Non seulement cela rend-t-il les contrôles plus difficiles, mais le Ministère des transports manque cruellement d'ingénieurs à l'heure actuelle, ceux-ci étant passés du côté de l'entreprise privée.

- 2. L'affaire Tomassi: En mai 2010, le ministre de la Famille Tony Tomassi est démis de ses fonctions, car il avait utilisé une carte de crédit appartenant à une entreprise privée (BCIA), alors qu'il était député. M. Tomassi a aussi offert des contrats de rénovation de garderies subventionnées à l'entreprise Genco, dirigée par son père.

- 3. L'affaire Whissel: En 2009, le ministre du Travail David Whissel démissionne, car des contrats du gouvernement ont été attribués sans appels d'offres à ABC-Rive-Nord, une entreprise dans laquelle il détient des actifs (et située dans sa circonscription).

- 4. Le dossier des gaz de schiste: Alors qu'on souligne l'influence indue des firmes d'ingénieries privées et du crime organisé dans l'octroi de contrats de construction, le gouvernement Charest n'a pas hésité à confier l'évaluation environnementale stratégique sur les gaz de schiste à la firme privée Genivar. Une sérieuse apparence de conflits d'intérêts.

- 5. Le salaire additionnel du premier ministre : Jusqu'à dernièrement, le premier ministre recevait un salaire supplémentaire de 75 000$ versé par le PLQ. Lorsqu'un rapport soulève des doutes sur le financement des partis politiques, on peut sérieusement se demander d'où provenait cette somme additionnelle.

- 6. Le groupe Axor: En août 2010, la société de génie-conseil Axor a reconnu avoir utilisé des prête-noms pour financer illégalement des partis politiques. C'est le PLQ qui a reçu le plus gros montant d'argent de la part d'Axor, avec 113 500$.

- 7. La commission Bastarache: Même si le commissaire Bastarache a blanchi Jean Charest devant les accusations d'ingérence de M. Bellemare (ancien ministre de la Justice) dans le processus de nomination des juges, on sait dorénavant que ce processus manque de transparence et qu'il est perméable aux "interventions et aux influences de toutes sortes" (extrait du rapport Bastarache).

- 8. Charest exige que ses ministres récoltent au moins 100 000$ chacun par année: Ce n'est pas illégal en soi, mais cela soulève de nombreuses questions éthiques, car cela force pratiquement les ministres à entretenir des liens étroits avec les "bailleurs de fonds".

Spontanément, voilà donc les raisons pour lesquelles je crois qu'il est temps que Charest et le Parti libéral quittent le pouvoir. La liste aurait pu être longue, beaucoup plus longue.....Mais si ces raisons ne sont pas suffisantes pour nous faire sortir en grand nombre dans la rue, je ne vois sérieusement pas ce qui pourrait le faire.

Allez, à samedi!





lundi 19 septembre 2011

Amateurs d'Orange Crush: à vos cartes!

Je n'ai pas voté pour le NPD aux dernières élections. Je suis de ceux qui expriment de nombreuses réticences vis-à-vis ce parti, car son histoire démontre qu'il a souvent contribué à faire reculer les intérêts politiques du Québec. Toutefois, je suis un éternel optimiste et je veux bien laisser la chance au NPD de me prouver que j'ai tort dans son rôle d'opposition officielle.

Mais à ceux qui ont voté pour le NPD aux dernières élections fédérales, je vous demande de grâce de vous procurer la carte de membre du parti. Pourquoi? Car elle seule vous permettra de participer à l'élection du nouveau chef de la formation. Pour le moment, le NPD ne compte que 3000 membres au Québec, soit environ 5% de l'effectif national! Pour élire son chef, l'organisation du NPD a privilégié la méthode "un membre, un vote".

Deux raisons importantes expliquent cette faiblesse du membership néodémocrate au Québec. D'abord, une vingtaine d'associations de circonscription (sur 59) sont plus ou moins actives, car leurs organisateurs ont peu d'expérience en politique.

Ensuite, il n'y a pas de NPD provincial au Québec. Dans les autres provinces canadiennes, si vous êtes membre du NPD provincial, vous devenez automatiquement membre du NPD fédéral.

Une situation paradoxale

Le principal paradoxe, c'est que le candidat du Québec Thomas Mulcair est le préféré des électeurs néodémocrates en ce moment (selon un sondage Léger/Marketing publié dans Le Devoir de ce matin), mais ses chances d'accéder à la chefferie sont faibles, car Mulcair a très peu d'appuis parmi les membres du parti hors-Québec. À l'heure actuelle, c'est probablement Brian Topp qui remporterait la course. Je n'ai rien contre Brian Topp - il est parfaitement bilingue et connaît bien le Québec - mais je m'inquiète de voir que l'influence des Québécois dans une décision si importante risque d'être réduite à une peau de chagrin.

L'autre paradoxe, plus fondamental celui-là, tient au fait que l'attrait qu'exerce aujourd'hui la souveraineté du Québec sur les électeurs est pratiquement nul. Pourtant, le Québec n'a jamais été aussi absent de la scène politique fédérale qu'à l'heure actuelle! Dois-je vous rappeler que le Québec n'a que cinq députés conservateurs à Ottawa? Par ailleurs, la récente nomination d'Angelo Persichilli au poste de directeur des communications du cabinet Harper est un exemple parmi tant d'autres de cette réalité. On sait que M. Persichilli ne parle pas un mot français et qu'il a déjà écrit qu'il y avait trop de francophones au Parlement!

Enfin, la volonté d'Ottawa d'augmenter le nombre de sièges de l'Ontario, de l'Alberta et de la Colombie-Britannique à la Chambre des communes, va réduire encore plus le poids politique du Québec. Devant les protestations de Québec et pour éviter d'alimenter les souverainistes, les conservateurs ont promis qu'ils augmenteraient aussi le nombre de sièges du Québec.

Le NPD - et son nouveau chef - devront rester vigilant sur ce dossier, et s'assurer que cette promesse soit tenue.



samedi 17 septembre 2011

La Conquête de Sarkozy


Il est plutôt rare que des films soient réalisés sur des personnages politiques toujours en activité. En 2008, l'Américain Oliver Stone avait produit un film dans lequel il traçait le portrait du président George W. Bush.

De son côté, le Français Xavier Durringer s'est lancé dans la même aventure avec la réalisation du film "La Conquête" portant sur l'ascension au pouvoir de Nicolas Sarkozy, l'actuel président français. Je l'ai regardé hier soir et je vous en propose un bref compte-rendu.

D'emblée, je peux vous dire que "La Conquête" est un bon film. L'acteur qui incarne Nicolas Sarkozy, Denis Podalydès, livre une performance magistrale et on a aucune peine à croire à son personnage. Les incarnations de Jacques Chirac (le président de 1995 à 2007) et de Dominique de Villepin (ministre des Affaires étrangères de 2002 à 2004) sont elles aussi convaincantes.

Les dialogues entre les hommes politiques sont croustillants et les expressions, du point de vue d'un Québécois, très rigolotes, quoiqu'assez dures parfois. Dominique de Villepin dit ainsi de son adversaire Sarkozy qu'il va "le baiser avec du gravier". Sarkozy lance pour sa part à Villepin un horrible "je le pendrai à un crochet de boucher". Aussi étonnant que cela puisse paraître, ces phrases ont bel et bien été prononcées dans la vie réelle! Afin d'éviter toute accusation de diffamation, plusieurs avocats se sont joints à l'équipe des réalisateurs du film pour s'assurer que leurs sources étaient solides. Cela rend d'ailleurs le film intéressant, car il se rapproche parfois du documentaire et permet d'en apprendre un peu plus sur la politique française.

Un film pour féru de politique?

Il n'est pas nécessaire d'être un grand amateur de politique pour suivre le déroulement du film. Pour l'essentiel, il s'agit de l'histoire d'un homme qui est prêt à tout pour accéder à la présidence française, quitte à perdre sa femme Cécilia en cours de route. La trame narrative est donc relativement simple.

Toutefois, une connaissance minimale de la politique française facilite la compréhension de certaines parties du film. La tentative de Dominique de Villepin de salir son adversaire Sarkozy en fabricant des preuves l'incriminant de corruption - la fameuse affaire Clearstream - est ainsi plus ou moins bien expliquée dans le film. Le "non" français lors du référendum sur la Constitution de l'Europe - et l'échec de Chirac à cet égard - est aussi abordé en toile de fond, mais sans réelle mise en contexte. Il est clair qu'en étant familier avec ces questions, il devient possible d'apprécier certaines subtilités.

Mais ce qui ressort surtout du film de Durringer, c'est l'incroyable détermination de Nicolas Sarkozy à accéder à la présidence française. On apprend à connaître un homme à l'égo démesuré et qui est prêt à tout pour obtenir le pouvoir. On nous présente Sarkozy comme une bête politique qui, par la seule force de sa volonté, réussit à obtenir ce qu'il a toujours souhaité.

Ce portrait de l'homme est certainement légitime. Mais j'aurais aimé qu'on montre comment certaines personnes, notamment dans le milieu des affaires, ont rendu possible la "Conquête" du pouvoir par Sarkozy. Rappelez-vous qu'en 2008, le président français a reçu l'homme d'affaires canadien Paul Desmarais à l'Élysée, afin de lui remettre la Légion d'honneur. Au cours de la cérémonie, Sarkozy a affirmé que " Si je suis aujourd'hui président, je le dois en partie aux conseils, à l'amitié et à la fidélité de Paul Desmarais." Il aurait pu ajouter: à son portefeuille!

On sait tous que Paul Desmarais et Power Corporation ont été d'importants contributeurs à la campagne présidentielle de Sarkozy. Lors de la célébration de sa victoire électorale au restaurant Fouquet's, Paul Desmarais était un des seuls convives étrangers et c'est lui qui aurait ramassé l'addition! Sarkozy s'est aussi plusieurs fois rendu au domaine des Desmarais, dans la région de Charlevoix au Québec. Ces rapprochements n'ont pas été en vain, puisque la privatisation de Gaz de France par Sarkozy en 2008 a principalement bénéficié au groupe d'affaires des Desmarais.


La volonté peut certainement aider à faire bien des choses en politique. Mais il ne faudrait pas non plus nous faire croire qu'on peut se passer d'un outil bien plus puissant: l'argent.

mercredi 14 septembre 2011

11 septembre 2001 In Memoriam

Je suis un peu en retard, je sais. Malgré cette erreur impardonnable, je tiens à revenir sur les attaques du 11 septembre 2001 aux États-Unis, puisque déjà dix ans se sont écoulés depuis et que les Américains commémoraient l'événement la fin de semaine dernière.

Sur le plan personnel, j'ai décidé de souligner cet événement à ma manière: je me suis procuré d'une part le rapport final de la commission nationale sur les attaques terroristes contre les États-Unis. C'est la version officielle des attentats, dans laquelle la responsabilité est attribuée au réseau islamiste al-Qaida. Je me propose de le lire dans les prochaines semaines.

D'autre part, je me suis acheté quelques bouquins discutant de la validité de la version officielle sur les événements du 11 septembre 2001. Je ne pouvais passer à côté de l'ouvrage du français Thierry Meyssan: L'Effroyable imposture. Il est un défenseur connu de la fameuse "théorie du complot", allant jusqu'à soutenir que les attaques étaient une machination du complexe militaro-industriel américain. Dans la même lignée, David Griffin, professeur de théologie retraité de l'Université de Claremont, a lui aussi mis en cause la crédibilité de la version officielle dans plusieurs ouvrages, notamment: The 9-11 Commision Report: Omissions and Distortions.

Enfin, j'ai mis la main sur l'ouvrage de Guillaume Dasquié et Jean Guisnel intitulé L'Effroyable mensonge: thèse et foutaises sur les attentats du 11 septembre. Il s'agit d'un essai critique de la version "non-officielle" de Thierry Meyssan.

Avec ces ouvrages, je n'arriverai certainement pas à faire la lumière sur ce qui s'est véritablement passé le 11 septembre 2001. Je vous invite d'ailleurs à me faire des suggestions de lecture par rapport à cette question, car les miennes seront forcément incomplètes. Mais je suis exaspéré d'entendre les journalistes du Québec défendre aveuglément la version officielle, en refusant de la mettre en cause sous peine d'être accusé d'affabulation. Je suis tout autant exaspéré d'entendre les défenseurs de la théorie du complot exposer leurs idées sans aucune source crédible à l'appui de leurs affirmations. Je refuse de faire partie d'un de ces camps.

Qu'est-ce qui a changé depuis le 11 septembre 2001?

Je vous propose ici un méli-mélo de constats sur ce qui a changé depuis le 11 septembre 2011. Je l'avoue, je m'inspire ici de la forme employée par Vincent Marissal sur son blogue, le 11 septembre dernier.

- Une guerre en Afghanistan: Celle-ci est en cours depuis 2001 et n'est pas terminée. Aux dernières nouvelles, des talibans ont mené une attaque sur l'ambassade des États-Unis et le QG de l'OTAN à Kaboul, dans un des quartiers supposément les plus sécuritaires. Oussama Ben Laden a été tué par les forces spéciales américaine. À mon sens, cette guerre était justifiée - et l'est toujours - notamment parce qu'elle était encadrée par des résolutions de l'ONU (1378 et 1386). Rappelez-vous aussi que nous étions plusieurs à condamner le régime oppressif des talibans en Afghanistan.

- Une guerre en Irak: Celle-ci est en cours depuis 2003 et c'est certainement la plus grave erreur que l'administration de George W. Bush a commise. Premièrement, elle a été menée au nom d'un mensonge scandaleux, soit que Saddam Hussein et l'Irak détenaient des armes de destruction massive. Les troupes américaines ont fréquemment eu recours à la torture durant ce conflit, rappelons-nous la désolante histoire de la prison d'Abou Ghraïb, et des polémiques entourant celle de Guantanamo. La guerre en Irak a coûté 4 000 milliards de dollars au trésor public et explique en bonne partie (avec la crise des subprimes) les problèmes économiques actuels des Américains.

- Un Moyen-Orient en ébullition: Le fameux "Printemps arabe", qui débute en décembre 2010. Des mouvements de révolte un peu partout au Moyen-Orient, menant au départ des dictateurs Zine el-Abidine Ben Ali en Tunisie, Hosni Moubarak en Égypte et Mouammar Kadhafi en Libye. Je sais, il n'y a probablement pas de liens directs entre les attentats du 11 septembre 2001 et le Printemps arabe, même si la droite américaine aime penser que sans le départ de Saddam Hussein, ces révoltes auraient été impossibles.

Ces mouvements de contestation semblent toutefois infirmer une thèse qui a souvent été défendue après les événements du 11 septembre 2001, celle du "choc des civilisations" de Samuel Huntington. Grosso modo, Huntington soutenait que l'époque des grands conflits idéologiques était dorénavant terminée et qu'une époque de conflits religieux et culturels allait s'ouvrir. Le 11 septembre 2001, c'était ni plus ni moins le début de la guerre entre le monde occidental et le monde musulman.

Or, il faut insister sur le fait que les révoltes arabes ont été alimentées en grande partie par des forces laïques réclamant plus de démocratie et de transparence dans la gouvernance publique, Bien sûr, des groupes islamistes ont tenté de récupérer ces mouvements, mais ceux-ci n'ont aujourd'hui plus le choix de modérer leur discours s'ils veulent être écoutés de la population. Loin de vouloir confronter l'Occident, les mouvements révolutionnaires arabes souhaitent s'en inspirer pour avoir une démocratie plus fonctionnelle. En bref, le choc des civilisations ne serait qu'une illusion.

- Des mesures de sécurité accrues: Aux lendemains des attentats de septembre 2001, George W. Bush a fait adopter la loi antiterroriste du "Patriot Act", dans le but de donner aux agences fédérales (CIA, FBI, NSA) des pouvoirs spéciaux pour faire de l'écoute téléphonique, saisir des documents ou encore perquisitionner des propriétés privées. Ces mesures ont dernièrement été reconduites jusqu'en 2015. De nombreux groupes de défense des droits civils s'inquiètent de la construction lente d'un État policier répressif qui porte atteinte aux libertés fondamentales.

Au Canada, le premier ministre Jean Chrétien avait aussi fait adopter une loi antiterroriste en 2001. Celle-ci permettait par exemple d'incarcérer une personne sans mandat pendant trois jours, si un policier avait des motifs raisonnables de soupçonner qu'un acte terroriste était sur le point d'être commis. Cette loi est venue à échéance en 2007, mais Stephen Harper a dernièrement affirmé qu'il souhaitait la réactiver. Lorsqu'on se rappele l'attitude plus que cavalière du gouvernement Harper dans les affaires Maher Arar et Omar Khadr, on peut raisonnablement s'inquiéter de l'utilisation abusive que les conservateurs pourraient faire d'une telle loi.

- Une redéfinition du débat sur l'identité: Chantal Hébert faisait remarquer cette semaine que les événements du 11 septembre ont peut-être contribué à remettre en cause le modèle d'intégration canadien du multiculturalisme. Il y a quelques jours, Stephen Harper a déclaré sur CBC que l'islamisme était la plus grande menace à peser sur la sécurité du Canada! Il y a quelques années, ce genre de déclaration aurait soulevé une immense polémique au pays. De plus, on apprenait dernièrement, grâce à un câble diplomatique diffusé sur Wikileaks, que des hauts-placés du gouvernement canadien craignent que le multiculturalisme ne favorise la prolifération de groupes extrémistes au Canada.

Au Québec, le débat sur les accommodements raisonnables n'aurait peut-être pris une tournure si émotive sans les attentats du 11 septembre 2001.

- Un terreau fertile pour le conservatisme? On peut se poser la question. Une des idées de base du conservatisme - même s'il s'agit d'un courant aux multiples variantes - c'est qu'une société et un État, pour être sauvegardés, doivent avoir recours aux traditions et aux coutumes établies. Pour les conservateurs, la stabilité de l'ordre social est une priorité et c'est le rôle du gouvernement de la préserver. Quoi de mieux qu'une catastrophe hypermédiatisée de l'ampleur du 11 septembre 2001 pour laisser croire que notre monde est menacé? À mon sens, certains politiciens aux États-Unis et au Canada exploitent habilement le sentiment de peur qui anime plusieurs d'entre-nous à des fins électorales.

Cette attitude est une menace pour notre démocratie. Non seulement elle permet de justifier la mise en place éventuelle d'un État policier, mais elle fait aussi du politique le lieu où nos plus vils instincts sont exploités. Une démocratie saine, c'est celle où le politique est investi à des fins créatives, constructives et optimistes.

Souhaitons que les prochaines années en politique en soient teintées.







mardi 13 septembre 2011

Djokovic le gentleman


Wow! Si vous avez regardé la finale masculine du US Open hier soir, vous avez eu droit à un spectacle époustouflant. L'affrontement entre le no1 mondial, Novak Djokovic, et le no2, Rafael Nadal était ni plus ni moins une lutte de titans. D'un côté, le Serbe qui n'avait connu que deux défaites cette saison et remporté neuf championnats, dont deux Grands Chelems. De l'autre, le Majorquin qui a déjà dix titres de Grands Chelems en poche, et champion en titre du US Open.

C'est finalement le Serbe qui l'a emporté, assez facilement au demeurant. Et je me réjouissais de le voir confirmer qu'il est no1 mondial pour y rester! Oh bien sûr, ce n'est pas tout de suite qu'il fera oublier les exploits incomparables du Suisse Roger Federer au cours des dernières années, mais l'attitude et le charisme de Djokovic en font un ambassadeur hors pair pour le merveilleux sport qu'est le tennis.

Djokovic est un vrai gentleman. De façon générale, il n'est pas rare de le voir applaudir un beau coup de l'adversaire et ce, en plein match. Il est un joueur doté d'un sens de l'humour incomparable, rappelez-vous par exemple ses imitation d'autres joueurs, comme Rafael Nadal ou Maria Sharapova. Par ailleurs, rarement verrez-vous Novak Djokovic invectiver un arbitre qui a pris une décision douteuse. Quoi de plus détestable qu'un joueur ou une joueuse comme Serena Williams, reconnue pour être d'une impolitesse rare envers les arbitres?

Au cours du tournoi du US Open qu'il vient de remporter, Djokovic est demeuré poli et courtois envers une foule qui n'était généralement pas derrière lui. C'est bien connu, le public new-yorkais est tout sauf discipliné lors d'un match de tennis. Pourtant, Novak Djokovic s'est présenté hier sur le court central affublé d'une casquette des pompiers de New-York, en hommage à leur travail courageux lors des attentats du 11 septembre 2001.

En plus d'être un modèle sportif inspirant, Djokovic est devenu un ambassadeur extraordinaire pour un pays dont l'image a été ternie sur la scène internationale dans les dernières années. Pour plusieurs, la Serbie évoque en effet le massacre de Srebenica. Durant la guerre de Bosnie (1992-1995), le général serbe Ratko Mladic et ses troupes ont exterminé des milliers d'hommes bosniaques et musulmans, une opération que le Tribunal pénal international (TPI) a qualifiée de génocide.


Au lendemain de sa victoire à Wimbledon en juillet dernier (face à Nadal, encore une fois!), Novak Djokovic a reçu un accueil triomphant à Belgrade, où 100 000 personnes s'étaient rassemblées devant le Parlement. Le président actuel de la Serbie, Boris Tadic, a affirmé qu'il avait presque rendu l'âme en regardant son compatriote jouer. Le cas échéant, ses fonctions auraient été confiées au tennisman... Il blaguait bien sûr.

Heureusement, car Djokovic n'a pas sa place en politique. Mais s'il peut servir de modèle d'esprit sportif aux plus jeunes, et redonner une image plus positive de la Serbie - sans pour autant en faire oublier les atrocités- il aura accompli un autre exploit grandiose.



dimanche 11 septembre 2011

Au secours!

Oui, j'ai bel et bien besoin d'aide! La fin de semaine dernière, je me suis procuré le jeu "Demon's Souls" sur PS3, avec des attentes élevées. En magasin depuis 2009, il a remporté le prix du jeux de l'année selon Gamespot et il fait partie de la collection "meilleurs jeux" de Sony.

Après quelques heures de jeu, j'ai été à même de constater l'intérêt que Demon's Souls suscite. Bien que les graphiques ne soient pas les plus géniaux, l'environnement médiéval noir et horrifiant dans lequel on est plongé est fascinant. L'histoire est aussi intrigante, car elle débute par votre mort et vous permet de continuer à progresser sous la forme d'un spectre.

La grande force de ce jeu de rôle est l'hyperréalisme. C'est en même temps sa grande faiblesse. N'espérer pas attaquer de front chacun des ennemis que vous rencontrerez sur votre passage: vous serez certainement défait. Vous devez faire preuve de patience, de créativité et d'intelligence pour progresser et terrasser vos adversaires. Par ailleurs, à chaque fois que vous perdrez votre âme (vous ne pouvez pas "mourir' puisque vous êtes déjà mort!), vous devrez recommencer le 'niveau' en entier!

Et c'est là le problème principal. À la quatrième heure, je me suis lassé de recommencer des dizaines de fois les mêmes parties de niveau. On m'avait averti que le jeu était plutôt difficile. Mais là, il faut réellement être un joueur aguerri pour progresser.

Je suis prêt de l'abandon. À moins que vous ne veniez à mon secours pour m'encourager ou me donner des conseils!

jeudi 8 septembre 2011

Découvrir le député du NPD Pierre Nantel

Le député du NPD de la circonscription Longueuil-Pierre Boucher, Pierre Nantel, était de passage hier au Collège Édouard-Montpetit pour y donner une conférence. Je l'ai écouté de manière attentive, car comme plusieurs d'entre-nous, je ne connais pas beaucoup les nouveaux visages du NPD et je souhaitais les découvrir.

Disons-le d'emblée: sur le plan de la communication, de l'image et de la prestance, M. Nantel n'a rien d'un "poteau". Il s'exprime de manière éloquente (quoiqu'en utilisant un peu trop d'anglicismes à mon goût), avec humour, voire une certaine candeur rafraîchissante. Son expérience professionnelle dans le domaine des communications - il a été directeur artistique dans le domaine musicale et chroniqueur à TVA et Radio-Canada - transparaît clairement dans son attitude.

C'est justement sur la question des "poteaux" que M. Nantel s'est d'abord exprimé, en refusant qu'on appose cet étiquette aux jeunes députés du NPD qui n'ont aucune expérience politique. Pour lui, tous les candidats du NPD avaient le goût de faire de la politique et manifestaient un vif intérêt pour la chose publique. Ne serait-ce que pour cela, ces personnes méritent d'avoir la chance de représenter leurs concitoyens. Il a aussi rappelé une boutade de Jack Layton à ce propos: " Si ces jeunes là peuvent aller se faire tirer en Afghanistan, pourquoi ne pourraient-ils pas être députés?" avait affirmé Layton sur le plateau de "Tout le monde en parle". Ces paroles frôlent certainement la démagogie, mais elles ne sont pas dénuées de fondement. Une chose est sûre, on sentait que Nantel pouvait se porter efficacement à la défense de sa nouvelle équipe.

Nantel a par ailleurs été assez clair sur les enjeux les plus criants de sa circonscription. Une de ses priorités concerne la construction de logements sociaux et la lutte à l'itinérance. Il rappelait que la circonscription de Longueuil-Pierre-Boucher en est une où il y de nombreuses inégalités et il faut à son avis remédier à cette situation. Il a aussi évoqué le projet de donner un accès plus étendu aux rivages, et celui de remédier à la pollution des berges du St-Laurent. La question des transport est aussi au coeur de ses priorités, notamment l'augmentation du nombre de voies réservées, l'amélioration du service des trains de banlieue et l'utilisation plus étendue du télétravail par les entreprises. Il a enfin décrié - avec raison - le silence et l'inactivité des conservateurs en ce qui concerne le dossier du pont Champlain.

Sur le plan des enjeux nationaux, Nantel a été précis sur un point: il n'est pas en faveur d'une fusion entre le PLC et le NPD. D'une part, il ne voit pas l'utilité de s'allier avec un parti qui est sur une pente descendante, alors que le NPD est sur une lancée qui lui permet ni plus ni moins d'espérer prendre le pouvoir aux prochaines élections (et oui, la candeur rafraîchissante!). Il estime enfin qu'une alliance avec Bob Rae, l'ancien néodémocrate qui a trahi son équipe pour se joindre aux libéraux, serait mal perçue et difficile à accepter pour plusieurs anciens du caucus.

Là où les propos de M. Nantel étaient moins clairs, voire incohérents, c'est sur les rapports du
NPD avec les partis provinciaux du Québec et sur la question de la souveraineté.

Pour lui, l'allié naturel du NPD au Québec serait le Parti québécois (il a admis avoir voté pour Bernard Drainville aux dernières élections), et non Québec Solidaire comme plusieurs pourraient logiquement le croire. Il n'a pas développé sur les raisons de cet appui au PQ, mais il s'est dit inconfortable avec l'attitude dogmatique de certains des membres de Québec Solidaire et mal à l'aise avec la position trop clairement (?!?) souverainiste de son programme. Il disait aussi souhaiter que le débat sur la souveraineté ne soit plus monopolisé par les partis politiques et qu'il redevienne un véritable enjeu citoyen.

Nantel affichait sur ce point une méconnaissance flagrante des programmes respectifs du Parti québécois et de Québec Solidaire. S'il y a bien un parti clairement souverainiste au Québec, c'est le Parti québécois. L'article 1 du programme affirme que la souveraineté est le premier objectif du parti et il propose la tenue d'un référendum pour y parvenir. Or, Québec Solidaire propose plutôt de tenir, avant tout référendum, une assemblée constituante qui aurait comme mandat de rédiger une constitution québécoise et de consulter la population sur son avenir politique. À la suite de cette assemblée de consultation - et sur la base des propositions qui en découleraient - Québec Solidaire tiendrait alors son référendum pour que la population y entérine la démarche.

Lorsque je lui ai fait remarquer que la démarche de Québec Solidaire est donc beacoup plus à l'écoute du citoyen que celle du PQ, Nantel a avoué qu'il ne connaissait pas cette proposition de QS! J'admire encore une fois la candeur de cette réponse, mais c'est justement là que le bât blesse.

D'abord, il me semble impératif qu'un député - qui se dit lui-même nationaliste - connaisse cette différence importante entre ces deux démarches. Ensuite, M. Nantel était clairement inconfortable à chaque fois qu'il abordait la question de la souveraineté. Il dit avoir été un sympathisant du Bloc québécois, mais croire dorénavant que la question nationale se règlera au Québec, entre Québécois. Ici, je ne crois pas qu'il se rappelait que son parti a appuyé la loi sur la clarté référendaire en 2000, qui permet à la Chambre des communes à Ottawa d'imposer au Québec les modalités d'une question référendaire sur la souveraineté. Il a aussi mentionné que le contexte économique actuel ne rendait plus la souveraineté possible. Enfin, il estime qu'il y de l'espace pour parler au nom des intérêts du Québec dans un parti fédéraliste social-démocrate. Espérons-le.

Mais la difficulté qu'a Pierre Nantel et qu'auront tous les députés québécois du NPD, c'est de concilier des positions nationalistes dans un parti résolument centralisateur et qui a désespérement besoin d'appuis hors-Québec pour éventuellement prendre le pouvoir. Par exemple, ce n'est pas en appuyant la garantie de prêt donné par le gouvernement conservateur à Terre-Neuve et à la Nouvelle-Écosse dans le projet du barrage hydroélectrique du Bas-Churchill, que le NPD défend efficacement les intérêts du Québec. Jamais le Québec n'a pu bénéficier de telles garanties! Souhaitant faire des gains de sièges à Terre-Neuve, Jack Layton et le NPD n'avaient pas hésité à prendre cette position à la veille des dernières élections fédérales. On sait aussi que le bilinguisme au sein de NPD laisse parfois à désirer. Un récent article du Devoir rappelait que le:

Le parti de Jack Layton impose en effet le bilinguisme comme condition d'embauche à toute personne souhaitant travailler à Ottawa pour un de ses députés du Québec, mais il n'exige pas la maîtrise du français chez ceux qui travaillent pour les députés hors Québec.

Je veux bien donner une chance au NPD dans les prochaines années, mais il faudra, sur des dossiers comme ceux-là, que le parti réajuste le tire. En ce qui concerne M. Nantel, je ne peux que lui souhaiter une belle carrière politique.

lundi 5 septembre 2011

La conscience du libéral Paul Krugman


Il y a déjà un moment que le livre "L'Amérique que nous voulons" a été publié aux États-Unis (2007). Son auteur, Paul Krugman, a remporté le prix Nobel d'économie en 2008 et est professeur à l'Université de Princeton. Il est aussi connu pour ses chroniques hebdomadaires dans le New York Times.

Paul Krugman tient par ailleurs un blogue qu'il intitule " The conscience of a liberal" (c'est aussi le tire original de son livre). Rappelons qu'aux États-Unis, le terme libéral (liberal) n'a pas le même sens qu'au Québec. Ici, un libéral est associé à la droite politique alors qu'aux États-Unis, un "liberal" est une personne de gauche favorable à l'intervention de l'État dans l'économie.

Paul Krugman a été un ardent critique de l'administration Bush entre 2000 et 2008. Dans "l'Amérique que nous voulons", on retrouve plusieurs de ces critiques (notamment sur les réductions considérables de l'impôt des plus riches et sur les efforts pour abolir les droits de succession), mais l'essentiel de son propos est ailleurs: comment expliquer que le mouvement conservateur aux États-Unis (mené par le parti républicain) soit si vigoureux et persistant, alors que les importantes difficultés et inégalités économiques du pays devraient logiquement pousser les électeurs vers des mouvement progressistes plus à "gauche" et favorables à une redistribution plus équitable des richesses?

Le premier constat de Krugman est troublant. Selon lui, les inégalités de revenu aux États-Unis étaient en 2006 aussi importantes que les inégalités de revenu dans les années 1920! À l'appui, une étude de longue haleine menée par Thomas Piketty et Emmanuel Saez (Université Berkeley) qui révèle entre autre qu'en 2005, la concentration des revenus entre les mains d'une petite élite de 1% correspondait à la même qu'en 1920. Elle accaparait 17,3% du revenu total en 1920 et 17,4% en 2005.

Pour expliquer cette évolution, Krugman lance une hypothèse étonnante. Il affirme ainsi que les "forces naturelles du marché" n'auraient rien à voir avec cette transformation et croit qu'elle s'explique plutôt par des motifs politiques. Il estime que des groupes d'extrême droite se sont progressivement emparés du parti républicain (grâce entre autre aux médias, aux think tank, à l'argent et même à la tricherie) et ont réussi à éliminer plusieurs des mesures sociales et interventionnistes mises en place dans les années 1930 lors du New Deal de F.D. Roosevelt. Ces groupes sont financés par une minorité d'ultra-riches qui n'ont aucun intérêt à voir des politiques sociales adoptées. Le plus frappant, c'est qu'au moment où Krugman lance cette hypothèse, le mouvement politique d'extrême droite du Tea Party n'est toujours pas né aux États-Unis, ce qui rend sa thèse d'autant plus actuelle - voire prophétique - compte tenu de l'influence considérable que ce groupe exerce actuellement sur la politique américaine.

Le deuxième constat, c'est que ces groupes d'extrême droite, pour "vendre leur salade" et prendre le pouvoir, se sont appuyés sur des outils antidémocratiques. Un de ces outils, c'est le racisme.

Celui-ci serait à tel point ancré dans la culture politique américaine qu'il expliquerait en grande partie pourquoi une large proportion de l'électorat est toujours réfractaire à la construction d'un État-providence fort qui pourrait bénéficier à certaines minorités. À titre d'exemple, Krugman souligne que dans les années 1940, lorsque le président Truman a tenté de mettre en place une assurance maladie nationale, les politiciens du Sud l'ont fermement combattu car cela aurait impliqué la déségrégation de leurs hôpitaux! Selon Krugman, c'est depuis 1964, date où la discrimination raciale fut déclarée illégale par le Civil Rights Act que l'électorat du Sud tomba presque définitivement entre les mains des républicains. Depuis cette date, les conservateurs républicains auraient habilement exploité la question raciale pour miner la pertinence d'un État interventionniste. Le même type de rhétorique fut - et est encore - utilisée pour associer malicieusement l'interventionnisme de l'État au communisme.

Krugman va même plus loin en affirmant que la montée en puissance des conservateurs aux États-Unis est assimilable à une conspiration dans laquelle un autre outil a joué un rôle central: la tricherie. Il rappelle comment en 2000, la secrétaire d'État républicaine de Floride, Katherine Harris, a éliminé des listes électorales - sans justification valable - des milliers d'électeurs noirs ou hispaniques susceptibles de voter pour les démocrates. Par ailleurs, qui ne se souvient pas des conditions scandaleuses du vote de 2000 dans un comté de Floride, où le trucage des bulletins a permis à George W. Bush de se faire élire?

Les affirmations coup de poing sont nombreuses dans l'ouvrage de Krugman, mais le ton est moins polémiste que ce que mon résumé peut laisser entendre. Il y a entre autre un chapitre complet dans lequel il présente de manière convaincante les raisons pour lesquelles les États-Unis ont désespérément besoin d'un système d'assurance-maladie plus généreux.

Il illustre aussi, chiffres et études à l'appui, comment les inégalités sont à ce point importantes aux États-Unis. Ainsi, saviez-vous que le revenu réel médian des hommes travaillant à temps plein en 2005 était légèrement inférieur à son niveau de 1973? Et que les salaires des PDG des 102 plus grandes sociétés américaines correspondaient en 1970 à 40 fois ce que gagnait le travailleur moyen à temps plein, alors que dans les années 2000, la rémunération moyenne des PDG était 367 fois plus élévée?

Au fond, ce que souhaite Krugman, c'est une société plus égalitaire. Pourquoi? Car il estime qu'une trop grande inégalité économique entraîne inévitablement la corrosion des relations sociales, politiques et éventuellement de la démocratie. À ce chapitre, Krugman doit certainement envier les Québécois. Selon l'économiste Pierre Fortin,

En 2007, dernière année avant la récession de 2008-2009, le 1 % le plus riche des Québécois a accaparé 11 % du revenu total de la province. Ailleurs au Canada, le pourcentage du revenu total allant au 1 % le plus riche de la population était de 15 % ; aux États-Unis, il était de 24 %.

Le Québec est ni plus ni moins la société la moins inégalitaire du continent. Serait-elle aussi la plus démocratique?

vendredi 2 septembre 2011

Le dilemme libyen

L'intervention de l'OTAN (Organisation du Traité de l'Atlantique Nord) en Libye et ses efforts pour traquer Mouammar Kadhafi soulèvent un dilemme important et qui revient souvent en relations internationales. Cette intervention est-elle motivée par des motifs impérialistes et dominateurs, ou bien par des raisons humanitaires et démocratiques?

Les défenseurs de la première thèse attirent l'attention sur des réalités effectivement dérangeantes. D'abord, on vient d'apprendre que le CNT (Conseil national de transition) avait scellé une entente avec la France. En échange d'armes en appui aux opposants à Kadhafi, le CNT s'engageait à fournir 35% du pétrole brut à la France une fois le conflit terminé. Par ailleurs, l'ancien conseiller au Département d'État de Condoleezza Rice, Philip Zelikow, écrivait dernièrement dans sa chronique du Financial Times que les bouleversements en Libye étaient une occasion en or pour les puissances occidentales de s'emparer d'importantes ressources en pétrole. On a pas manqué non plus de rappeler les nombreuses atrocités commises par les rebelles libyens, pour montrer que ceux que l'on croit être bons et démocratiques ne le sont peut-être pas tant que cela. Enfin, l'OTAN commet de nombreuses bavures en Libye, la plupart masquée aux médias occidentaux, témoignant une fois de plus de ses intentions machiavéliques.

Les défenseurs de la deuxième thèse rappellent que Kadhafi n'est pas un enfant de coeur et qu'il est au pouvoir depuis 42 ans. On estime que les bouleversements en Libye sont une des manifestations du "Printemps arabe" et qu'après les départs des dictateurs Ben Ali en Tunisie et Moubarak en Égypte, Kadhafi doit lui aussi partir. Plus globalement, plusieurs défendent l'intervention de l'OTAN au nom d'un principe que l'ONU a reconnu en 2005: la responsabilité de protéger. Selon ce principe, si un État n'est plus en mesure de protéger sa population d'un génocide, de crimes de guerre ou de crimes contre l'humanité, le Conseil de sécurité de l'ONU se dit prêt à intervenir par la force pour maintenir la paix et la sécurité. Dans le cas de la Libye, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 1970 rappelant que l'État avait faillit à cette responsabilité. Il est donc moralement justifié d'intervenir.

Pour ma part, je suis plutôt un partisan de la seconde thèse. Bien sûr que les puissances occidentales n'interviennent pas exclusivement pour des motifs humanitaires. Mais qui a dit qu'une puissance intervenante devait absolument le faire de manière désintéressée? Je me permets de vous citer un passage d'un texte qui résume bien ma pensée, celui de Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, maître de conférence au département de War Studies du King's College de Londres:

Toutes les interventions militaires justifiées par des raisons humanitaires ont été, sont et seront également motivées par des intérêts nationaux, pour la simple et bonne raison que les Etats ne sont pas – et même ne doivent pas – être désintéressés puisque leur raison d'être est de défendre les intérêts de leurs citoyens. L'exigence de désintéressement de l'Etat intervenant, qui n'est autre que le critère de la bonne intention (intentio recta) de la théorie traditionnelle de la guerre juste, est de bien peu d'utilité.

Il est vain de tenter de faire croire à une opinion publique déjà très sceptique, voire cynique, que l'on intervient "seulement" pour aider les Libyens. Cela ne veut pas dire que l'intervention n'est pas humanitaire parce qu'elle ne l'est pas exclusivement. Elle l'est encore si elle sauve davantage de Libyens qu'elle n'en tue – ce que l'avenir nous dira.

Intervenir à l'étranger n'est pas une décision facile. Dans le cas de la guerre en Irak en 2003, les prétextes de l'administration Bush pour entrer en conflit étaient clairement injustifiables. Mais la Libye n'est pas l'Irak.